jeudi 10 juin 2010

Destruction pour les uns, création pour les autres 2/



À supposer que les prévisions d'Arnaud Nourry se confirment, le livre numérique devrait représenter 15% des ventes d'ouvrages dans cinq ans. Comme nous l'avons vu dans la note précédente, ces 15% s'ajouteront aux 10% (minimum) des ventes déjà réalisées par les boutiques en ligne. C'est donc une perte de 25% de leur part de marché que les libraires vont regarder filer vers des concurrents contre lesquels ils ne peuvent rien. Cette destruction de valeur se fera au profit des plateformes de vente de livres numériques, des fabricants de tablettes (qui pourront être les mêmes comme Apple en a déjà fait la démonstration avec son lecteur iPod et de sa boutique iTunes) et bien évidemment des Fournisseurs d'Accès à Internet.

On pourrait penser que, part un effet mécanique, la disparition des librairies trop fragiles renforce la position des plus vaillantes. Je ne le pense pas. À la marge peut être, mais pas plus. Il est plus à craindre que ces fermetures n'éloignent définitivement des clients des librairies qui se tourneront alors - pour ceux qui resteront lecteurs - vers les plateformes de vente en ligne sur lesquelles : "Le client qui ne sait pas vraiment ce qu'il cherche n'est pas assisté sur Internet comme il le serait dans un point de vente physique."*, "(…) la richesse de la diversité offerte n’engendre qu’un faible élargissement de la palette des choix effectifs, une fuite du consommateur face à l’ampleur des choix possibles"** et n'accentuent un peu plus le phénomène de "bestsellerisation" des ventes. N'oublions pas que >2% des 634000 références vendues en 2008 ont pesé 50,4% du CA…

L'autre danger auquel se trouveront rapidement confrontés libraires et éditeurs à mesure que la numérisation du livre se développera est celle de la banalisation de l'oeuvre, du livre/fichier alibi pour offre bancaire, de sa transformation en supplément d'âme pour offre de service de fabricants de produits informatiques et autres fournisseurs d'accès, sans oublier les marchands de lessive. L'intérêt affiché de la part d'Orange ou de Xavier Niel (Iliad/Free) pour participer à la recapitalisation du Monde doit nous rappeler l'intérêt vorace que les "tuyaux" ont toujours porté aux "contenus".

Combien de temps faudra t-il pour que le premier éditeur succombe aux chants des sirènes ?


*Un site web peut-il rivaliser avec un conseiller commercial ? Le journal du net (23/04/2009)

** Longue traîne : levier numérique de la diversité culturelle ? Pierre-Jean BENGHOZI et Françoise BENHAMOU

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire