mardi 19 avril 2011

qui a dit ?


" Nous, nous sommes un apporteur de trafic, gratuit ou payant (via la publicité, ndlr). Notre métier, c'est de distribuer du trafic. "
Réponse ici

mardi 12 avril 2011

Fermeture

L'annonce de la fermeture probable d'une librairie parisienne vient comme illustrer ce que je racontais hier sur la note ci-dessous.

lundi 11 avril 2011

Chronique d’un ratage annoncé

L’édition du salon du livre 2011 est jugée comme satisfaisante sur le plan de la fréquentation et, cette année encore, la question du numérique était au cœur de nombreuses conversations. Peut-être la multiplication des annonces faites par les constructeurs de tablettes, les distributeurs, et l’ouverture des débats sur le prix unique du livre numérique rendent plus concrète l’arrivée de : a/ cette menace pour les uns, b/ cette opportunité pour les autres, suivant qu’on se place à la place des libraires ou des écrivains qui envisagent des relations nouvelles avec leurs lecteurs (voir l'exemple Maurice Dantec). Entre les deux restent les éditeurs qui ne peuvent pas – encore - se passer de la librairie mais qui mettent en place les structures nécessaires pour accompagner le développement du marché du livre numérique. Ce qui nous amène à la question du portail de la librairie 1001libraires.com et, surtout, à celle de son utilité.


Résumé chronologique des épisodes précédents.

- Amazon ouvre son portail en France en 2000.

- Le 2 février 2001 Le Monde titrait : « Les éditeurs apprivoisent la Toile ». Dans cet article Alain Salles, brossait le tableau de la présence des éditeurs français sur Internet. Il était également fait référence à l’expérience menée par Stephen King qui avait proposé un feuilleton vendu chapitre par chapitre et sans intermédiaire.

- En 2003, Livre Hebdo publiait les résultats d’une étude sur les Français et la lecture, étude qui faisait ressortir que :
a/ le nombre de gros lecteurs diminuait
b/ que le poids du poche augmentait
c/ que les gros acheteurs se fournissait aussi bien en hyper que chez leurs libraires
d/ qu’ils étaient les plus équipés en ordinateurs et autres produits électroniques.

- En mai 2005 Ange-Dominique Bouzet signait « C’est grave, lecteur ? » un article dans Libération sur les raisons de la crise qui touchait le marché du livre et plus spécifiquement les libraires. À cette époque, le poids des librairies électroniques est estimé à 3% et Christian Thorel, de la librairie Ombre Blanche à Toulouse disait ceci : « Nous affrontons un problème qui ne concerne pas seulement les ventes mais la fréquentation, et nous devons nous interroger sur les changements de comportement qui commencent à affecter les consommateurs. »

- En 2005 encore, Amazon lançait son application « chercher au cœur » et envisageait de lancer, aux Etats Unis, un service d’achat de livres à la page sur Internet. Dans le même temps, Amazon achetait BookSurge.com, un site spécialisé dans l’impression de livres à la demande. En 2005 toujours, la part des ventes sur Internet de la librairie Mollat s’élevait à 2%. Chez Eyrolles, librairie spécialisée, c’est 2,25 M€ qu’a généré le site cette même année, contre 5,4M€ pour la librairie (Livre Hebdo n°617, oct. 2005).

- En 2006 la part de la vente en ligne est proche de 5% mais les ventes sur Internet représentent 8% chez des éditeurs comme La Découverte, Les PUF ou Dunod, et Amazon est le premier client d’éditeurs comme Minuit ou le Dilettante. Surtout, une étude réalisée par GfK pointe qu’Internet arrive en troisième position comme lieu d’achat pour les livres derrière les hypers et les enseignes culturelles mais devant les libraires. Le SLF (syndicat de la librairie française) a décidé de lancer un portail de vente en ligne en septembre. (Le Monde, Alain Beuve-Méry, 19 janvier 2007)

- Janvier 2007. Michel Abescat, dans Télérama, s’interrogeait sur comment la librairie indépendante allait pouvoir « s’opposer à la montée du commerce en ligne ? » et lançait un appel : « Allez les libraires, affrontez Amazon sur son propre terrain, « cherchez-le au cœur » ! » en référence au service de feuilletage proposé par la plateforme. À ce moment la part des libraires en ligne est estimée à 4%.

- Le 28 septembre 2007, Le Monde, sous la plume d’Odile de Plas, consacre un quart de page quelque peu moqueur à Facebook. On peut lire : « On parle de Facebook comme d’un concurrent possible de My Space, premier site communautaire mondial avec plus de 202 millions de membres. »

- Le 3 décembre de la même année, Frédérique Roussel signe dans Libération un long article titré : « Livre électronique : une page se tourne » dans lequel le journaliste compare les vertus de l’ebook lancé par le français Bookeen au Kindle d’Amazon.

- À quelques jours près, Bruno Racine, président de la bibliothèque nationale de France, et Benoît Yvert, président du CNL, signent une tribune dans Le Monde dans laquelle ils soulignent : « Pour beaucoup, le numérique menace en premier la librairie indépendante. Sa situation fragile (…) a été confirmée par Antoine Gallimard dans un rapport récent qui fait autorité. Sur sa recommandation a été engagé la création d’un label pour les librairies indépendantes de référence qui conjuguera des avantages fiscaux et des subventions ciblées pour la défense des ouvrages de fond et l’animation littéraire. »

- Dans une interview parue le 6 mai 2008 dans les pages saumon du Figaro, Arnaud Nourry, PDG de Hachette Livre commente le rachat de Numilog, plateforme de distribution numérique un temps convoitée par Gallimard.
- Numilog représente-t-il un investissement important ?
- Il s’agit de préparer l’avenir.
- Ne craignez-vous pas d’effrayer les libraires ?
- Au contraire. Nous allons mettre à disposition des libraires notre plate-forme en « marque blanche », c’est-à-dire qu’ils pourront l’habiller aux couleurs de leur marque .»

- Le vendredi 4 juillet Le Monde titrait en une de son supplément Livres: « Le livre numérique arrive. » Dans l’article « La grande peur des éditeurs », Alain Beuve-Méry, rappelait un extrait du rapport Patino sur le livre numérique (…) : « Accélération ou basculement brutal, l’impact sur la librairie risque d’être significatif. » Puis ABM écrivait : « Le métier devrait connaître des transformations en profondeur, mais il y aura toujours de la place pour de bons libraires. Des libraires qui anticipent, conseillent, connaissent leur clientèle et seront aussi présents sur la Toile. » Et ABM de conclure : « Comme les pouvoirs publics (CNL et BNF), elle (la librairie) se sent concernée par les changements qui se profilent, alors que les éditeurs, eux, donnent l’impression d’avoir le pied sur le frein. »

- C’est vers la fin de cette année 2008 qu’est commandée une étude de faisabilité sur un portail de la librairie indépendante.

- Le 23 octobre 2009 Le Monde consacre un article au piratage des livres : « Les pirates à l’assaut du livre numérique ». Le 31, dans le même journal, Antoine Gallimard et Bruno Racine livrent chacun leur vision sur le thème : « Le livre survivra-t-il à Internet ? »

- Le 29 janvier 2010 Livre Hebdo titre : « Distribution numérique, qui sera le maître du hub ? ». Cet article fait état des forces, des attentes et des intérêts des principaux acteurs en présence. À la fin de l’article signé Hervé Hugueny, on peut lire cette déclaration de Charles Kermarec, PDG de la librairie Dialogues à Brest qui a aussi créé une plateforme numérique qui permet à un client de commander et d’acheter en une seule opération un livre papier et des e-books en français quelque soit sa plateforme d’origine.

- Au mois de juin Livre Hebdo, pose la question suivante : « Librairie, 5 questions sur un marché qui flanche. »

- Le 5 avril 2010, 10 ans après le lancement d’Amazon en France, le portail 1001libraires.com est ouvert au public. Gilles de la Porte, qui préside la société PL2i qui opère ce portail vise un équilibre à trois ans.


Cette longue introduction sous forme d’énumération pourquoi ?

Pour rappeler que le rapport des gens à la lecture et à l’achat de livres change en profondeur depuis des années, et que la concurrence du numérique à laquelle se cogne la librairie n’est pas apparue du jour au lendemain. Des libraires l’ont compris tôt qui se sont donné les moyens de construire des outils efficaces pour accompagner ces changements.


Pourquoi ça ne marchera pas ?

1/ Parce que l’offre et les services proposés par Amazon ont créé un standard et des habitudes de consommation avec lesquels l’offre et les services proposés par 1001libraires.com sont incapables de rivaliser.
2/ Il ne faut pas oublier qu’un consommateur ne change que très rarement ses habitudes et seulement quand il a trouvé mieux. Un seul exemple. Le portail annonce 60 000 références disponibles alors qu’une librairie comme Ombre Blanche à Toulouse a 110 000 titres en stock. Certes, Ombre Blanche est une référence, une des plus belles librairies en France. Mais si un portail n’est pas capable de présenter une offre plus grande que celle d’une librairie à quoi bon? Et on ne parlera pas ici de l’offre disponible sur Amazon et sa Marketplace.
3/ On sait aussi que sur Internet les retards à l’allumage ne se rattrape pas. La Fnac n’a jamais rattrapé son retard sur Virginmega dans la course à la vente de musique numérique, ni celui sur Amazon qui avait déjà cinq années d’expérience aux Etats-Unis avant d’ouvrir en France.

Bien sûr on peut objecter que ces raisons ne tiennent pas compte des spécificités propres au portail. Justement. Qu’elles sont-elles? À part quelques critiques de libraires, des vidéos d’auteurs en dédicace déjà vues sur le site des libraires ou leurs pages Facebook, une liste de «Meilleures ventes» et des émissions audio thématiques qu’on nous promet mensuelles (!), il n’y a rien qui justifie objectivement qu’on passe des plateformes existantes sur lesquelles on a ses habitudes à ce nouveau portail. La localisation me dites-vous ? J’ai simplement du mal à penser qu’un acheteur de livres va passer par Internet pour découvrir qu’il y a une librairie près de chez lui ou près de son bureau, et qu’il peut y commander les ouvrages qui n'y sont pas en stock.


Cinq questions qu’on peut se poser

Est-ce qu’on peut croire qu’il existe une clientèle prête à s’engager, à militer, pour faire exister une alternative au tandem Amazon – Fnac ? Oui, on peut, j'ai même entendu cet argument dans la bouche d'une responsable d'un regroupement régional de libraires. Pour ma part, je doute simplement qu’elle soit suffisante pour hisser 1001libraires.com au rang des libraires on line qui comptent pour compenser la baisse de chiffre d’affaires qu’enregistrent les librairies physiques qui cèdent tous les jours du terrain à Amazon et consort.

Est-ce à dire que ce portail ne sert à rien ? Sous cette forme, je le pense. Non seulement il arrive trop tard, mais il n’apporte rien qui n’existe pas déjà et il n'est pas plus performant ni plus intéressant que ce qui existe déjà.

"Mais, dans quelques temps, une fois les premiers résultats enregistrés..." Sur Internet c'est tout de suite qu'il faut faire ses preuves surtout sur un secteur aussi concurrentiel et sur lequel les principaux acteurs en place ont pris une avance considérable.

Alors pourquoi l’avoir lancé ? Pour des raisons politiques probablement, le SLF et le CNL ne pouvant pas prendre le risque de ne rien faire à l’heure où la crise économique touche la librairie, que des fermetures sont enregistrées et que beaucoup d’entre elles ne tiennent encore que grâce aux aides qui leur sont accordées.

Les librairies sont-elles toutes vouées à disparaître ? Non, mais les plus fragiles financièrement, celles coincées entre des loyers élevés et une concurrence féroce en centre ville (fnac) et/ou en périphérie (espaces culturels leclerc, cultura…) et sur Internet, celles qu’on appelle du deuxième niveau, celles-là vont rencontrer de sérieux problèmes. Il faut garder en mémoire que le résultat net moyen d’une librairie française est compris entre 0,6 et 2% pour comprendre que le moindre incident peut avoir des conséquences dramatiques.

Et les éditeurs dans tout ça ? Certains sont impliqués indirectement à travers l’ADELC association à laquelle ils cotisent et qui s’est engagée à verser une participation du même montant que celle du CNL. Les autres ne peuvent politiquement qu’espérer le succès du projet. En revanche, ceux qui éditent de la littérature qui demande du temps pour trouver ses lecteurs, ceux-là sont très inquiets par la crise qui touche les libraires parce que ces derniers sont leurs premiers relais d’information auprès du grand public.

Est-il possible de rendre ce portail attrayant pour le public et rémunérateur pour les libraires ? Non. On peut rendre un portail attrayant à condition de proposer des services et contenus intéressants. Il faut donc repenser entièrement la construction de ce portail en privilégiant ce que les lecteurs ne trouvent pas ailleurs. Penser ce portail en fonction des attentes des clients et pas du point de vue du portail.

À suivre.