jeudi 19 mai 2011

Futur antérieur


À l'heure du digital triomphant, dans un jardin public derrière le Sacré Coeur, un jeune homme (moins de 20) écoutait Lou Reed sur un tourne disque à piles en lisant la bio de Gainsbourg de Gilles Verlant en livre de poche.

mercredi 18 mai 2011

Des marges oui, mais des clients avant tout.

Les Rencontres nationales de la librairie ont permis à l’observateur que je suis de constater que les menaces qui planent depuis plusieurs années sur la librairie indépendante se précisent.

La première menace est l'éclatement du bloc composé par l'ensemble des libraires indépendants tant l’écart est de plus en plus grand entre elles. Si les problèmes sont les mêmes pour tous (la baisse du nombre des grands lecteurs, la montée de la part du poche, du commerce en ligne, le livre numérique, les marges, les offices…), l’urgence des réponses à apporter n’est pas la même pour les libraires qui réalisent un CA de 5, 6, 8 M€ ou plus et ceux qui annoncent un CA inférieur à 200 000 €. C’est toute la différence entre ceux qui peuvent penser à moyen et long terme et les autres qui doivent se battre au jour le jour.

L’autre fossé qui se creuse est celui entre les éditeurs/diffuseurs/distributeurs et les libraires. Le développement du commerce électronique et celui du livre numérique met à jour la différence fondamentale d’intérêt qui les sépare ; les éditeurs vendront des livres et/ou des fichiers numériques à mesure que le commerce électronique et la lecture sur supports numériques se développeront, pendant que les libraires devront soulever des montagnes de subtilités pour ne pas perdre leurs clients qui glisseront tous les jours un peu plus vers le commerce électronique.

Au cours des discussions qui se sont tenues pendant ces deux jours, il a beaucoup été question des marges insuffisantes accordées par les distributeurs aux libraires et notamment aux plus petits d’entre eux.

Mais tout autant que cette rémunération indispensable, il est de la plus extrême importance de soutenir/relancer l’achat de livres EN LIBRAIRIE par des actions de communication puissantes, bâties autour d’offres concrètes qui mettent en valeur les points forts de la librairie. Ces opérations pourraient être régionalisées et financées par les différents organismes comme les DRAC, le SLF, voire le CNL. Les combinaisons entre médias sont suffisamment nombreuses pour construire des dispositifs puissants sans pour autant être hors de prix.

Des marges oui, mais des clients avant tout.

*Les deux tableaux ci-dessus sont tirés de l'étude La situation économique et financière des librairies indépendantes. Analyse sur la période 2003-2010 présentée par Xerfi et bientôt disponible sur le site des Rencontres


Rencontres nationales de la libraire

Discours de Frédéric Mitterrand en cloture des Rencontres nationales de la librairie, sur le site du ministère de la Culture.

mardi 17 mai 2011

La contrainte crée la qualité

Discours de Josette Vial, directrice de la librairie Compagnie, en introduction des Rencontres de la librairies indépendantes des 15 et 16 mai 2011 qui se sont tenues à l’ENS à Lyon.

1. La contrainte crée la qualité

Mon propos est donc de vous parler du qualitatif et de son évolution avec comme fil conducteur le fait que la contrainte crée de la qualité.

Chacun a sa définition de « la bonne librairie », grand public comme professionnel, or la qualité ne se décrète pas, elle se pratique au quotidien jusque dans les plus petites tâches et souvent se révèle au moment des crises.

Depuis 40 ans, chaque décennie a connu son lot d’évènements redoutables pour la librairie et, à chaque fois, le critère qualitatif s’en est retrouvé renforcé, ce dont je peux témoigner jusqu’à aujourd’hui.

Dans les années 70, le prix libre et l’ouverture de la Fnac[1] ont été vécus comme deux raz de marée dont plus personne n’a gardé le souvenir, sinon par ce qui en a découlé, à savoir la loi sur le prix unique, laquelle fut âprement défendue et votée dans le but de maintenir un réseau de librairies de création complément d’une édition indépendante assurés l’un et l’autre d’exercer ainsi leur travail de découvreur et de passeur.

En librairie, la qualité, parce qu’elle était une plus-value culturelle en terme d’image et qu ‘économiquement, elle avait un sens, a été adoptée par un certain nombre de librairie qui plaçaient la culture et la livre au cœur de leur métier. Il faut aussi rappeler qu’à l’époque faire de l’argent avec des livres, et donc du contenu culturel, ne tombait pas sous le sens pour tout le monde.

Il s’est donc mis en place pour beaucoup d’entre nous une définition du qualitatif qui, même si le principe en est resté inchangé, a dû s’adapter à la conjoncture, à la production, aux exigences des clients, à une diffusion/distribution aux pouvoirs croissants et aujourd’hui au développement tentaculaire d’internet.

Être libraire aujourd’hui, c’est s’inscrire dans cette histoire.

2. Les principes de qualité

Pour définir les critères de la qualité, de façon arbitraire, je retiens cinq principes :

a. Une somme de connaissance culturelles et techniques au service d’une pratique exigeante du métier.

b. La capacité à proposer une offre éditoriale choisie (et non subie) la plus large possible afin de constituer un assortiment selon les critères culturels mais aussi commerciaux : les livres de fond, les livres difficiles sont aussi faits pour être vendus.

Parallèlement, l’aptitude à répondre à la demande du public, plus concentrée en nombre de titres et se portant essentiellement sur les nouveautés et les prescriptions indispensables pour s’assurer une bonne trésorerie.

La Fnac, dans ses débuts, a adopté cet équilibre d’offre et de demande, dont progressivement elle s’est éloignée tout comme les librairies de chaînes ; en effet, se concentrer exclusivement sur la demande est bien sûr affaire de facilité et de rentabilité, laquelle permet de régler la question de la masse salariale et procure des dividendes ; c’est de cette façon que l’entreprise se substitue à la librairie.

c. Un personnel compétent avec toutes les qualités que cela induit : aimable, cultivé, dynamique, curieux…

Dans les années 70/80, l’Asfodel, institut de formation, avait l’ambition de former des libraires aux subtilités du métier (voir pour cela « le métier de libraire ») sans oublier de mettre l’accent sur la culture générale indispensable.

d. La gestion ,négligée jusque dans les années 80, s’associe à l’informatique pour permettre :

i. De suivre au plus près la demande et

ii. De pousser l’offre jusqu’à ce point d’équilibre qui n’entame pas la survie financière.

Gestion et informatique apparaissent comme les moyens d’accompagner en permanence la librairie dans sa démarche qualitative.

e. Un espace convivial et chaleureux ouvert au public, avec des vitrines sur la rue, une circulation aisée, des classements réfléchis et des tables bien organisées où les best-sellers ne sont pas seuls visibles.

3. Au fil des ans, de nouvelles contraintes ont surgi et de nouvelles adaptations ont accompagné le développement des librairies.

Dans les années 90

- L’informatisation a un effet pervers ; si utile pour gérer les stocks, créer des historiques de vente, analyser les rayons, aider à la mémoire du libraire dans la recherche, elle s’avère envahissante et dangereuse pour le qualitatif ; des stocks A/B/C/D proposés comme affaire de dosage et de pourcentage, ne se maintiennent plus que les stocks A et B (parfois C) seuls rentables.

Il faut donc réapprendre à gérer efficacement en ne laissant plus l’informatique décider et l’écran s’interposer entre le client et le libraire.

Changement notable, en définition pure, le fonds devient les ouvrages de plus d’un an au lieu de deux ans au préalable.

Lutter contre l’appauvrissement des fonds et la perte de mémoire prend alors différentes formes : revalorisation du rôle de vendeur (et de l’acte de vente) par le renseignement et le conseil, constitution de thématiques, diffusion de catalogues bibliographiques, campagnes diverses permettant aux titres à rotation lente d’exister même ponctuellement dans les librairies. Comme on ne peut pas tout avoir dans les petites et moyennes structures, la commande client devient une pratique que l’on développe. Le fond n’a pas qu’une présence physique ; il est aussi dans la mémoire du libraire et dans sa capacité à proposer des ouvrages qu’il n’a pas en stock.

Tous les aspects du métier se professionnalisent et se théorisent y compris le qualitatif ; le droit à l’erreur n’est plus possible.

- Une autre contrainte apparaît dans cette décennie 90 : le développement des poches ; plus de volumes, moins de CA, plus de manutention, moins de temps à consacrer aux clients.

Les présentoirs de collections envahissent les librairies et les pochothèques éclatent.

À cela, la réponse, non évidente à l’époque, fut l’interclassement contre lequel se sont battus les éditeurs de poche. Or, en fermant les pochothèques, on rétablissait une politique de rayons et d’auteurs ; en mélangeant les formats et en restructurant les rayons, la librairie se donnait ainsi une image plus dynamique, alliant commerce et cultures, et relançait une vraie politique de fond.

- Toujours dans les années 90, L’espace Librairie devient essentiel pour l’accueil. Travaux, embellissements, design, réflexions sur la circulation et les implantations (la caisse comme les rayons)… parfois, lieux de repos, cafés et surtout salles de débats font leur apparition.

La librairie veut s’ouvrir au grand public et arrêter de lui faire peur.

Dans les années 2000, les contraintes ne disparaissent pas, bien au contraire, surtout avec la hausse des charges des deux postes incontournables que sont les loyers et les salaires.

- Les 35 heures n’améliorent pas la masse salariale et la baisse du temps de travail qui en découle modifient les relations entre les vendeurs moins présents et leurs clients. La formation sur le tas et la communication dans les équipes deviennent compliquées ; on est donc obligé de redéfinir les tâches.

La multiplication des présentoirs, des arrêts de piles, des livres de comptoirs, des têtes de gondole s’accélère avec le développement des hyper et des super. Le livre marchandise envahit tout. La hausse de la production éditoriale s’amplifie.

Tous ces éléments cumulés remettent en question à nouveau la notion de qualitatif en librairie. Comment maîtriser les flux qui laissent trop de place aux ouvrages de masse au détriment d’une édition de qualité et créative ? C’est aussi l’époque où le livre objet apparaît en couplage avec les journaux.

- Dans ce brouillard, l’office devient un enjeu : les librairies de premier niveau sont à peu près respectées dans leurs choix, ce qui n’est malheureusement pas le cas pour les libraires de deuxième niveau.

Le savoir-faire du libraire consiste donc à trier, choisir, réassorti, retourner et renouveler ses assortiments, mais aussi prendre des risques sur des livres difficiles.

L’office qui accompagne la loi sur le prix unique, est indissociable du droit de retour ; initialement, il a pour but de soutenir les livres de création. Or chaque année, la liste des nouveautés à travailler est de plus en plus longue. C’est pourquoi, à l’obligation du contrat de la grille d’office, la librairie à d’abord bataillé pour défendre l’office à façon avec le passage du représentant pour moduler les quantités. Ensuite, deuxième combat avec le zéro qualitatif, qui fait du zéro une quantité.

Enfin, dernier aménagement, c’est la cas à Compagnie, refuser la présentation des nouveautés titre à titre et préparer le travail en amont, effectué sur argumentaire par chaque rayon. Ainsi, toute l’équipe participe et se réapproprie le choix des livres qui entrent dans la librairie. Le représentant lors de son passage a, normalement, plus de temps pour parler des livres plus difficiles, premiers romans, essais, etc.

Le résultat est que nous pratiquons toujours l’office ; l’information est pour tout le monde, les nouveautés sont immédiatement référencées avec la quantité commandée et la date de parution, ce qui évite les fourchettes et permet une information sur les à paraître.

De fait, nous recevons moins de livres, nous produisons moins de retour et, pour nous, la qualité consiste à contrôler ses flux. Savoir dire non devient une nécessité vitale et là encore un critère de qualité.

- L’autre problème majeur de cette décennie est celui de l’indépendance, des librairies comme des éditeurs.

La concentration a pour conséquence plus financière de ces métiers.

En tant que libraire, comment discuter avec des commerciaux qui sont dans l’obligation d’appliquer une politique de groupe sans nuance ? Comment se faire comprendre lorsqu’on ne parle pas le même langage, pour faire accepter la primauté du qualitatif sur le quantitatif ? La logique purement financière des grands groupes aujourd’hui a fermé la porte aux logiques autres que celles des gains de production.

- En conséquence, la technocratie, le marketing comme fin en soi, le souci de la culture de masse ont gagné tous les esprits. Afficher sa différence signifie être « has been ». Le combat est donc quotidien pour résister à l’uniformisation qui caractérise un grand pan de la production, et en tirer fierté.

Les années 2010 ont vu, hélas, s’accroître concentration et mondialisation.

- La logistique devient partout la première des préoccupations : réduire les coûts, réduire les stocks, réduire le personnel, réduire les remises et réduire les salaires,

- le virtuel, la vente en ligne avec des hangars remplaçant les commerces ouverts au public,

- le numérique avec la fi annoncée du livre papier…

- accompagnent la logique d’entreprise avec le risque qu’elle ne s’installe durablement et qu’elle ne se substitue à celle de la librairie.

Ajoutons pour finir le changement de comportement de la clientèle : les consommateurs remplacent les lecteurs. S’y ajoute une perte d’appétence pour un certain type d’ouvrages à lecture lente et difficile. À force de livres médiocres, certains se sont détournés de la lecture. Les gros lecteurs tendent à disparaîtrent en même temps que le principe de la bibliothèque personnelle, source de savoir, n’est plus de mode.

4. Après tous ces constats plus que sombres, la question est donc de savoir si le qualitatif a un avenir ?

Avant de répondre je poserai trois préalables :

- Que l’édition continue de publier de vrais textes

- Ensuite que la diffusion s’active et prenne ses responsabilités : des échéances pour un certain type de nouveautés, des contrats de partenariat sur le fond nous sont proposés… en réalité tout ceci est fait sans suivi, sans intérêt puisque, par exemple, nous n’avons même plus de catalogues ou bons de commandes pour travailler le fonds :

- Enfin que la librairie développe un discours construit ; certains nous disent qu’il faut supprimer l’office, d’autres les retours, d’autres que le fonds englobe maintenant les livres de plus de trois mois.

L’impression de tout ce bric-à-brac, c’est l’incohérence et surtout le sentiment profond d’incertitude et d’une perte de maîtrise du lendemain. Nous sommes tous face à l’inconnu ; qui peut savoir ? Et puisque nul ne peut affirmer détenir la vérité, que nul ne peut prédire la fin de l’imprimé, je m’autorise à terminer sur un note optimiste.

Si je prends les deux aspects de la vente que sont l’offre et la demande, il n’est interdit de penser que, si la demande va se porter sur la vente en ligne (papier ou numérique) - et après tout, pourquoi se déplacer quand on sait ce qu’on veut ? – en revanche, comme dans les années 70/80, l’offre, c’est à dire la proposition différenciée du libraire peut avoir de l’avenir.

En effet il est possible :

- Que tout le monde ne succombe pas à Internet

- Que certains, sans doute, en reviendront

- Et surtout que le besoin de conseil, de parler, de communiquer resteront une nécessité pour beaucoup.

Dans le cas précis de l’offre, le libraire de proximité et de qualité pourra continuer à exercer son activité, faite de compétence, de savoir-faire, de culture, de tout ce qui fait encore aujourd’hui sa réputation, son prestige et sa notoriété. Les sites de librairie pourront aussi prolonger cette image qualitative. Comme pour la librairie physique, leur contenu n’aura rien à gagner du nivellement par le bas.

On constate aussi que le public se déplace en nombre lors des animations et rencontres… ce besoin de partager ne va pas disparaître et ne se contera pas des blogs et autres réseaux sociaux.

Pour l’heure, le livre papier n’est pas à l’agonie ; ne nous hâtons pas d’en prédire la mort. Je propose de retrouver quelques basiques qui sont sans doute à revisiter et réactualiser ; à chacun ensuite de faire de la contrainte un levier pour inventer des solutions.

En conclusion, les qualités du libraires :

- Dans sa ténacité face à l’exigence,

- Dans son humilité face à sa propre culture,

- Dans sa capacité à hiérarchiser les contenus,

- Dans sa passion et surtout son plaisir à exercer ce métier, étrange alchimie entre commerce et culture,

… me semblent sa chance et son atout pour demain.



[1] L’enseigne est créée en 1954, mais ouvre ses premiers rayons livre en 1974

samedi 14 mai 2011

Les libraires...

Je réagis à l’article paru jeudi dernier dans Le Monde sous la plume d’Alain Beuve-Merry. Il faut comprendre plusieurs choses ; 1/ les libraires ne forment pas un grand tout vertueux, mais composent un tissu économique dans lequel il y a des très bons et des très mauvais. 15 000 points de vente dans lesquels on peut acheter des livres c’est énorme. Ce maillage est vertueux, mais il ne faut donc pas s’étonner que dans une période économiquement tendue certains ferment boutique. 2/ Que Leclerc cherche à occuper la place que la Fnac occupait jadis mais qu’elle délaisse depuis plusieurs années pour concentrer sa stratégie sur les produits techniques est plutôt une bonne nouvelle pour les éditeurs. 3/ Le rôle des éditeurs et des diffuseurs va être déterminant. Pour mémoire il faut se rappeler qu’en ne donnant pas les conditions commerciales nécessaires à leur maintien, les éditeurs de musique ont laissé les disquaires indépendants disparaître du paysage. Ceux-ci sont passés de +/- 3000 à la fin des années 70 à moins de 200 aujourd’hui. 4/ C’est la loi sur le prix unique du livre qui a permis aux libraires de ne pas se faire écraser par la concurrence des grands distributeurs, mais cette loi ne change rien aux commodités qu’offrent certaines plateformes de commerce en ligne et au fait que le commerce en ligne attire de plus en plus de clients. 5/ Le portail 1001libraires.com arrive trop tard et n’offre pas de véritables innovations susceptibles de détourner les consommateurs des habitudes qui sont les leurs sur Internet. C’est donc d’abord dans le monde physique que les libraires doivent expliquer ce qu’ils sont, ce qu’ils font, comment ils le font. Pour le dire haut et fort il faut qu’ils parlent d’une même voix, et on met là le doigt sur un problème épineux.

lundi 9 mai 2011

Suite au résumé de l’étude de Yahoo ! Research, ci-dessous le deuxième chapitre qui offre un grand nombre de travaux en référence dont quelque-uns contredisent la théorie de Chris Anderson.


Travaux & publications en référence.

Le concept de la Longue Traîne a été mis en lumière par Chris Anderson pour décrire le comportement des acheteurs de produits de niche à l'ère des marchands à "l'offre infinie". Anderson montre en particulier que les revenus générés par les ventes de produits introuvables dans les magasins physiques traditionnels sont substantiels, et de conclure par la formule : "Le futur du business est de vendre moins de plus". L'économie des marchés de la Longue Traîne a ensuite été analysée par E. Brynjolfsson associé à une équipe de chercheurs qui en ont tiré un cadre théorique détaillé. Ils ont pris en compte les facteurs qui sont à l'origine de l'augmentation des parts de marché des produits de niche aussi bien du côté des distributeurs (les faibles coûts de stockage et de distribution) que de celui des clients (recommandation et moteur de recherche). A l'opposé, Anita Elberse et Felix Oberholzer-Gee, suggèrent que les effets de la Longue Traîne sont surévalués. Ils notent que le nombre de DVD différents dans le classement des 10% des meilleures ventes hebdomadaires chute de 50% entre 2000 et 2005, ils en concluent que, le temps passant, l’importance des best sellers est en augmentation et non en diminution. Enfin, Tom F. Tan et Serguei Netessine après avoir constaté une augmentation des produits disponibles, concluent également que la demande de hits est en augmentation.

En complément de ces travaux, qui prennent exclusivement en compte les volumes de vente de la Longue Traîne, nous avons pris en compte la satisfaction des clients et les résultats des secondes commandes (générées grâce aux possibilités de la Longue Traîne). En se concentrant sur les clients nous réfutons largement la théorie qui dit que les produits de niche n’intéressent qu’une minorité de clients. Cette différence de point de vue trouve ses racines dans ce que Levine décrit comme « l’émergence d’une hiérarchie culturelle » dans l’Amérique du début du vingtième siècle qui distinguait d’un côté les loisirs peu intellectuels et de l’autre les loisirs hautement intellectuels. En étudiant particulièrement les gens au statut social élevé, Peterson suggèrent qu’une « transformation du snob-cultureux en omnivore culturel » est entrain de s’opérer. Bien que nous ne nous soyons pas explicitement consacrés à l’étude des statuts sociaux des consommateurs, nos résultats s’accordent assez bien avec cette notion d’omnivore culturel.

Nous partageons certaines des conclusions de l’article d’Elberse dans Harvard Business Review. Notamment quand elle pose le principe que « un grand nombre de consommateurs choisissent occasionnellement des produits plus obscurs de niche », et aussi que des « consommateurs curieux ont une grande aptitude à s’aventurer dans les contenus de la Longue Traîne ». Nous produisons un grand nombre d’éléments qui supportent ces principes, et nous analysons précisément leurs conséquences sur les différentes stratégies de business. Elberse va plus loin et avance l’hypothèse que les consommateurs préfèrent les films populaires aux films plus obscurs et invite les distributeurs « à résister à la tentation de diriger les consommateurs sur la Longue Traîne ». Alors que nous observons - d’accord en cela avec Elberse – que les films populaires rencontrent le plus de succès, le contraire se révèle être vrai dans la musique : sur Yahoo ! Music, les morceaux les moins connus sont les mieux classés. Par ailleurs, même dans le cas des films on trouve que les usagers d’un certain type accordent une grande importance à une offre très large.


Des gens ordinaires aux goûts extraordinaires (2)

Suite au résumé de l’étude de Yahoo ! Research menée par Sharad Goel, Andrei Broder, Evgeniy Gabrilovitch, Bo Pang, ci-dessous non pas les deux premiers chapitres de l’étude mais uniquement le deuxième qui offre un grand nombre de travaux en référence dont quelques un contredisent la théorie de Chris Anderson. Le passage entre parenthèses est une info que j'ai moi-même glissée dans l'article.

Ici l'adresse où vous pouvez charger l'étude en entier (en anglais).

Travaux & publications en référence.

Le concept de la Longue Traîne a été mis en lumière par Chris Anderson pour décrire le comportement des acheteurs de produits de niche à l'ère des marchands à "l'offre infinie". Anderson montre en particulier que les revenus générés par les ventes de produits introuvables dans les magasins physiques traditionnels sont substantiels, et de conclure par la formule : "Le futur du business est de vendre moins de plus". L'économie des marchés de la Longue Traîne a ensuite été analysée par E. Brynjolfsson associé à une équipe de chercheurs qui en ont tiré un cadre théorique détaillé. Ils ont pris en compte les facteurs qui sont à l'origine de l'augmentation des parts de marché des produits de niche aussi bien du côté des distributeurs (les faibles coûts de stockage et de distribution) que de celui des clients (recommandation et moteur de recherche). A l'opposé, Anita Elberse et Felix Oberholzer-Gee, suggèrent que les effets de la Longue Traîne sont surévalués. Ils notent que le nombre de DVD différents dans le classement des 10% des meilleures ventes hebdomadaires chute de 50% entre 2000 et 2005, ils en concluent que, le temps passant, l’importance des bestsellers est en augmentation et non en diminution. Enfin, Tom F. Tan et Serguei Netessine après avoir constaté une augmentation des produits disponibles, concluent également que la demande de hits est en augmentation.


(Cette constatation est également valable en France. Pascal Nègre PDG d'Universal Music France dit à ce sujet : " Ainsi à la théorie de la longue traîne, j'oppose celle du restaurant vietnamien : plus il y a de choix, moins le consommateur choisit." Olivier Rubinstein patron de Denoël constate lui "... une hyperconcentration des ventes sur quelques titres. Un phénomène qui a tendance à s'amplifier d'une année sur l'autre. GL)


En complément de ces travaux, qui prennent exclusivement en compte les volumes de vente de la Longue Traîne, nous avons pris en compte la satisfaction des clients et les résultats des secondes commandes (générées grâce aux possibilités de la Longue Traîne). En se concentrant sur les clients nous réfutons largement la théorie qui dit que les produits de niche n’intéressent qu’une minorité de clients. Cette différence de point de vue trouve ses racines dans ce que Levine décrit comme « l’émergence d’une hiérarchie culturelle » dans l’Amérique du début du vingtième siècle qui distinguait d’un côté les loisirs peu intellectuels et de l’autre les loisirs hautement intellectuels. En étudiant particulièrement les gens au statut social élevé, Peterson suggèrent qu’une « transformation du snob-cultureux en omnivore culturel » est entrain de s’opérer. Bien que nous ne nous soyons pas explicitement consacrés à l’étude des statuts sociaux des consommateurs, nos résultats s’accordent assez bien avec cette notion d’omnivore culturel.

Nous partageons certaines des conclusions de l’article d’Elberse dans Harvard Business Review. Notamment quand elle pose le principe que « un grand nombre de consommateurs choisissent occasionnellement des produits plus obscurs de niche », et aussi que des « consommateurs curieux ont une grande aptitude à s’aventurer dans les contenus de la Longue Traîne ». Nous produisons un grand nombre d’éléments qui supportent ces principes, et nous analysons précisément leurs conséquences sur les différentes stratégies de business. Elberse va plus loin et avance l’hypothèse que les consommateurs préfèrent les films populaires aux films plus obscurs et invite les distributeurs « à résister à la tentation de diriger les consommateurs sur la Longue Traîne ». Alors que nous observons - d’accord en cela avec Elberse – que les films populaires rencontrent le plus de succès, le contraire se révèle être vrai dans la musique : sur Yahoo ! Music, les morceaux les moins connus sont les mieux classés. Par ailleurs, même dans le cas des films on trouve que les usagers d’un certain type accordent une grande importance à une offre très large.

dimanche 8 mai 2011

Des gens ordinaires aux goûts extraordinaires


Il y a quelques temps a été publié une étude conduite par quatre membres de Yahoo! Research
et dont le sujet est le comportement des consommateurs suivant qu'ils préférent les produits grand public ou les produits de niche. Le titre original est : Anatomy of the Long Tail: Ordinary People with Extraordinary Tastes
Au coeur de leurs réflexions, ces quatre chercheurs placent la théorie de la longue traîne et l'offre quasi infinie qu'offrent les plateformes comme Amazon sa Market place.
Si dans l'absolu le raisonnement se tient, il manque à mon avis une analyse sur le comment les gens choisissent leurs produits de niche.

J'ai traduit le résumé de cette étude que vous trouverez ci-dessous.


Anatomie de la longue traîne : des gens ordinaires aux goûts extraordinaires.

Le succès des distributeurs à l'offre illimitée tels qu’Amazon.com et Netflix a été attribué aux effets de la Longue Traîne. La longue traîne repose sur le principe qui veut que, bien que la grande majorité des références en vente ne soit pas très demandée, agréger ces « worst sellers » (par opposition aux best sellers) indisponibles chez les distributeurs physiques, génèrent toutefois une part de revenus significative. Cependant, le phénomène de la Longue Traîne repose sur deux théories différentes, voire contradictoires. La première, et la plus populaire, veut que la majorité des consommateurs suive le mouvement et que seule une minorité d’entre eux s’intéresse aux contenus de niche ; la seconde hypothèse veut que tout le monde soit un peu excentrique et consomme à la fois des produits populaires et des produits de niche.


En se basant sur l'examen d'un très grand nombre de données sur les préférences des consommateurs en matière de musique, de films, de recherches sur le Web et de navigation sur le Net, les résultats allant dans le sens de la deuxième hypothèse sont écrasants. Toutefois, les excentricités observées sont en nombre moindre que ce qui était envisageable dans un modèle au fonctionnement totalement aléatoire dans lequel chaque consommateur ferait ses choix indépendamment et proportionnellement à la notoriété du produit ; les consommateurs ont donc une propension, a priori, à faire des choix qui les poussent soit vers les produits les plus populaires, soit vers les produits de niche.
Nos travaux suggèrent une hypothèse supplémentaire qui explique le succès des distributeurs à l'offre illimitée ; celle que la longue traîne puisse développer les ventes des produits les plus en vue en offrant au consommateur les avantages du "tout sous un même toit" permettant ainsi d’acheter à la fois des produits grand public et des produits de niche. Cette hypothèse, étayée par notre analyse, fait ressortir que des revendeurs à l'offre limitée (boutiques spécialisées) présents sur des plateformes comme Amazon Marketplace, permettent à ce type de plateforme de satisfaire les demandes les plus pointues, d’où leur développement et succès manifestes. Nous pensons donc que le calcul du retour sur investissement (ROI) des produits de niche doit prendre en compte les revenus tirés directement des ventes, mais également les gains générés par des achats additionnels, l'augmentation de la satisfaction des clients, et donc des achats renouvelés. Plus généralement, nos recherches interrogent les idées toutes faites qui pensent que les produits de niche n'intéressent qu'une minorité de clients.

Je posterai dans quelques jours les deux premiers chapitres de cette étude.

(photos de l'auteur)

lundi 2 mai 2011

L’usage du monde, l’usage du blues


Une chose, parmi d'autre, qui est intéressante dans cet article publié sur le site Article 11 est la passerelle qu'il construit entre l'écrit et la musique, l'amérique et l'asie, le parcours qu'il trace entre Nicolas Bouvier et Robert Johnson. C'est toute la différence entre un conseil subjectif mais éclairé, et les recommandations d'achat des plateformes marchandes.