La fascination qu’exerce la boxe
provoque parfois des aveuglements. Ainsi les jurés du prix France-Culture/Télérama
viennent-ils de décerner le prix 2013 du meilleur roman à Alias Ali de Frédéric Roux publié chez Fayard, sans s’apercevoir que ce livre est une « adaptation » pour le
moins fidèle de Muhammad Ali, His Life
and Times un ouvrage sorti aux Etats-Unis en 1991 sous la plume de Thomas
Hauser, romancier et spécialiste de boxe.
Sorti en janvier, le roman de
Frédéric Roux est un portrait de Muhammad Ali (Cassius Clay) de plus de 600
pages qui va de son enfance à sa retraite des rings en passant par sa
conversion à l’islam. La particularité de ce portrait est qu’il est composé
d’une multitude de déclarations et citations des membres de sa famille, ses entraineurs,
adversaires, journalistes, personnalités politiques, écrivains… Au milieu de
ces quelques 600 pages de citations, à cinq reprises Frédéric Roux se glisse
dans la peau d’un personnage (sa mère, Sonny Liston, Sonji sa première épouse,
Bundini son âme damnée, Lonie son épouse actuelle) pour imaginer un monologue
intérieur dont le sujet est bien entendu Muhammad Ali. L’auteur a aussi glissé quelques
déclarations de personnages fictifs. Mais aucune information sur l’origine des
citations ni sur leurs auteurs supposés ne permet d’y retrouver ses petits, la
part du réel et celle de la fiction.
L’amateur de boxe que je suis se
rappelle alors qu’il a dans sa bibliothèque un ouvrage construit exactement sur
le même modèle, Muhammad Ali, His Life
and Times un ouvrage sorti aux Etats-Unis en 1991 chez Simon & Schuster
sous la plume de Thomas Hauser. Sur le moment je pense même que le Frédéric
Roux était une traduction de l’ouvrage de Thomas Hauser.
Intrigué je commence donc une lecture
du Frédéric Roux le Thomas Hauser sur les genoux : quasiment toutes les citations
du Alias Ali de Frédéric Roux sont
dans le Hauser. Certes, retaillées (les citations du Hauser sont longues,
celles du Roux très courtes), parfois replacées dans la bouche d’un personnage
fictif… En fin de compte, le contenu du « roman » de Frédéric Roux
est au trois quarts dans le Thomas Hauser - toujours disponible à la vente. Sans
parler, pour faire bon poids, de citations que l’on retrouve dans Night Train le livre que Nick Tosches a
consacré Sonny Liston.
Pour être précis, j’ai noté le plus
scrupuleusement possible les « parties communes » aux deux ouvrages
(voir document ci-dessous). A gauche les personnalités citées, le numéro de la
page dans le Frédéric Roux, et dans la colonne de droite (TH) la correspondance
dans le Thomas Hauser. Il est intéressant de noter que même l’ordre est
respecté.
Si certains « emprunts » sont
normaux (mais peut-on encore parler ici de simples emprunts ?), la moindre
des choses est de citer ses sources. Il est vrai que dans ce cas précis, cela
augmenterait considérablement le nombre de pages de l’ouvrage…
J’ai arrêté l’exercice à la page
240 (sur +/- 600) du Frédéric Roux. Mais en piochant au hasard dans le restant
du livre, la fête continue.