mercredi 22 juin 2011

On sait que les marchés du livre aux États-Unis et en Angleterre sont très différents du marché français, particulièrement dans le secteur de la distribution. Il n'empêche que la vitesse du développement du livre numérique dans ces pays doit au moins interpeller les acteurs en France. Ci-dessous ma traduction d'un article en deux parties paru dans le Guardian de ce jour : The writting's on the wall.

The writing's on the wall

Les éditeurs et les agents tremblent. Tout comme les petits libraires à travers le pays et au-delà. Un inconnu du nom de John Locke vient de vendre son millionième exemplaire sur Amazon et tout ça sans avoir abattu un seul arbre.

Les livres de Locke – neuf romans et un guide – ont tous été publiés en format électronique téléchargeables sur Kindle (Amazon) et (les) autres tablettes compatibles. Il faut préciser que le prix des ses thrillers de la série Donovan Creed ne coûtent que 99cents. En revanche il en empoche un tiers – soit trois fois le montant perçu par un écrivain lié à un éditeur traditionnel. Seule une élite comptant neuf auteurs sur les dix du top des meilleures ventes, parmi lesquels James Patterson et Stieg Larsson ont vendu un million de e-books, mais ils ont tous bénéficié du soutien d’importants éditeurs.

Cette percée vient du fait que les auteurs sont seuls au control de leur travail. C’est un bien et un mal. Il n’y a pas et il n’y a jamais eu d’auteur qui n’a pas tiré profit des améliorations que peuvent lui apporter un agent ou un éditeur.

Le titre du best seller de John Locke est : "Comment j’ai vendu 1 million d’e-books en 5 mois ! ». Le sous titre : « sans agent, publicitaire et quasiment sans dépense marketing ! » Nul doute qu’un bon éditeur aurait supprimé ce point d’exclamation.

Self-published author joins Kindle's elite million-seller list

Son personnage le plus connu est un ancien assassin de la CIA, Donovan Creed « Un homme très dur avec une faiblesse pour les femmes faciles ». Lethal People, le premier roman de la série a été initialement publié en juillet 2009 en poche et en petite quantité par iUniverse, une société qui permet aux auteurs de publier à compte d’auteur. Par la suite il a été publié par Locke sous la forme d’un e-book en mars 2010. « Sauver Rachel », un roman de la même série a tenu le top des meilleures ventes des bestsellers de Kindle (Amazon) pendant trois semaines, rejoint dans le top 10 par trois autres e-books de Locke.

Locke, qui a monté sa propre compagnie d’assurance à Louisville dans le Kentucky, vient juste de publier son nouveau bestseller, un guide intitulé « Comment j’ai vendu 1 million d’e-books en 5 mois ! ». Il touche 25cents (US$) sur les 70c du prix de vente et publiera un huitième volume de la série des Creed à la fin du mois, suivi en juillet de son troisième western de la série Emmett & Gentry.

« C’est un club dans lequel il est difficile d’entrer », déclara l’auteur à son entrée au panthéon des plus gros vendeurs d’e-books aux côtés de Charlaine Harris (True Blood) et l’écrivain de polar Michael Connely.

Le succès du Kindle permet aux auteurs qui se sont fait connaître par le bouche à oreille, qui ne sont pas signés par un éditeur important ou qui ne bénéficient pas de campagne de marketing, de vendre plus que les auteurs à renommée mondiale. En mai, Amazon a annoncé que les ventes d’e-books sur Kindle ont maintenant dépassé les ventes de poche et grand format réunis.

Les ventes de livres numériques ont grimpé en flèche en Angleterre pour passer de 4 à 16M£ en 2010. Aujourd’hui, des écrivains indépendants qui proposent des livres à prix réduits, dans des genres populaires comme le thriller, peuvent connaître le succès grâce à un bouche oreille efficace.

Les quelques écrivains établis qui profitent habituellement de la promotion des grandes chaînes de distribution ne jouissent pas des mêmes privilèges sur la boutique Kindle. Sept des dix e-books les plus vendus sur Amazon coûtent moins d’1£, y compris une nouvelle de l’auteur aux millions de ventes, Karin Slaughter, vendue 49p.

Neill Denny, rédacteur en chef du The Bookseller déclare : « C’est un énorme succès de vendre un million d’exemplaires, mais quiconque achète un roman simplement parce qu’il est bon marché commet probablement une erreur fondamentale. Locke peut attirer de nouveaux lecteurs qui au final choisiront peut-être un roman de Stieg Larsson. »

Denny ajoute: « Si quantités de personnes commencent à acheter des bons livres à 20p chaque, ça peut inquiéter les éditeurs importants. Il faut noter que très peu de ces écrivains qui ont publié à compte d’auteur repoussent une offre d’un grand éditeur. »

Dernièrement, Amanda Hocking, la star des auteurs auto publiés âgée de 26 ans et originaire du Minnesota, a signé un contrat de 2M$ avec l’éditeur St Martin Press à New York pour écrire une série de quatre romans pour la jeunesse, traitant du paranormal.

vendredi 17 juin 2011

SFR et la Fnac

L’accord passé entre la Fnac et SFR pour la gestion des rayons téléphonie est un nouvel exemple du changement de positionnement de l’enseigne couleur moutarde.

Cet accord illustre bien la volonté des grandes marques de la distribution de sous traiter la gestion de gammes de produits spécifiques dans leurs boutiques à des partenaires choisis après appels d’offre. Aux distributeurs de générer le trafic, aux marques de l’exploiter au mieux.

Il est amusant de se rappeler qu’en 2007 c’est la Fnac qui avait passé un accord avec la marque U pour laquelle elle devait installer des sélections siglées Fnac mais adaptées à l’enseigne de grande distribution. Cette expérience a été abandonnée rapidement au profit de…Virgin, sans plus de succès. C’est aujourd’hui Carrefour qui s’est associé avec Virgin.

Cette tendance existe aussi sur Internet à l’exemple des boutiques dédiées qu’Amazon vend aux éditeurs sur son portail pour que ceux-ci présentent des sélections de leur choix (9/10 leurs meilleures ventes, ce qui accélère un peu plus la concentration des ventes autour des best sellers).

Si le changement de peau de la Fnac est maintenant acté (ce qui pour les produits éditoriaux se résume par : priorité aux produits à rotation rapide) reste à savoir si et comment ses concurrents historiques (libraires, disquaires) peuvent en tirer parti.

Des idées ?

vendredi 10 juin 2011

Grand Prix Livre Hebdo

"A l'heure où un tiers des Français reconnaît sans état d'âme ne pas avoir lu
un seul livre de l'année, où la lecture cède du terrain devant tous les autres loisirs, Livres Hebdo estime qu'il y a une vraie urgence à promouvoir les bibliothèques et leur rôle dans le rapprochement du public et du livre."

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jeudi 9 juin 2011

Reconversion



Il y a quelques temps j’avais décrit ici le déclin à venir de la Fnac et de Virgin. L’annonce faite il y a quelques jours de l’accord signé entre les deux enseignes autour des magasins Virgin situés dans les gares et les aéroports (Virgin/Lagardère garde l’exploitation, la Fnac pose sa marque et s’occupe de la constitution de l’offre), pourrait laisser croire qu’il n’en est rien, que ces deux enseignes trouvent malgré les crises qu’elles traversent de nouvelles pistes de développement. À mes yeux il n’en est rien.

D’un côté, on sait depuis le début des années 2000 l’enseigne Virgin extrêmement fragile (magasins trop grands, trop chers, activité en baisse) en France comme dans le reste du monde (fermetures en Angleterre et aux Etats-Unis, sous location de surfaces dans certains magasins français). De l’autre, le groupe PPR propriétaire de la Fnac ne fait pas mystère de sa volonté de revendre l’agitateur culturel. La crise des supports conjugué au développement d’Amazon, d’iTunes, des Espaces Culturels Leclerc et le maintient d’un réseau de libraires dynamiques grâce à la loi sur le prix Lang de 1981 sur le prix unique du livre, n’ont fait que renforcer sa volonté d’aller vite dans ce domaine.

Si pour Virgin la messe est dite, la stratégie de la Fnac est intéressante en cela qu’elle donne l’image d’une enseigne en plein développement. C’est vrai si on se contente de compter les ouvertures. Mais si on y regarde d’un peu plus prêt, on s’aperçoit qu’elle le fait en changeant radicalement de positionnement.

La Fnac qui a construit sa réputation sur une offre multi produits large et profonde, faisait de la taille de ses magasins (des surfaces de vente suffisante pour présenter une offre qui imposait son image de spécialiste et creusait d’entrée l’écart avec la concurrence déjà en place) et de la qualité des emplacements (centres ville commerçants) les critères premiers de son implantation dans une ville. La politique d’amélioration des résultats financiers mise en place il y a une dizaine d’années à changé petit à petit la nature de l’offre en privilégiant les produits techniques à forte marge au détriment des produits éditoriaux (livre, disque…) consommateurs de place, de stocks et nécessitant des vendeurs spécialisés donc chers.

Cette nouvelle politique a banalisé son offre (recentrage sur les meilleures ventes, le 20/80) mais a permis à la Fnac d’ouvrir des petites surfaces dans des centre commerciaux ou en périphérie des villes, et de limiter ainsi le développement des Espaces Culturels Leclerc tout en étendant la notoriété de sa marque (jusqu’à la banalisation ?).

Reste encore et toujours la question de la valeur de l’ensemble, du prix revente et donc de la nature de l’acheteur potentiel. Dans le film The Social Network, Eduardo Saverin (âme damnée de Mark Zukerberg) demande à Sean Parker (Napster) s’il pense réellement avoir gagné contre les majors. Celui-ci lui répond : « Est-ce que tu investirais dans Tower Records ? » C’est la même chose avec la Fnac. Racheter pour quoi faire ? Un fond cherchera à améliorer la rentabilité de l’enseigne. Vu la santé des marchés des produits vendus dans les Fnac, cette amélioration passera par une réduction des coûts donc par la fermeture des magasins pas assez rentable. Un distributeur pourra lui être intéressé par l’emplacement et le bail de certains magasins. Toujours est-il qu’il en est bien fini du règne sans partage des grandes enseignes de distribution de produits culturels.

Si la place qu’occupe le commerce en ligne ne fait plus débat, la question qui se pose est donc celle du rôle que peuvent jouer les petites structures plus ou moins spécialisées et au-delà encore, celle de l’économie de l’aide au choix.