Début décembre on trouvait dans
Paris des post-it jaunes sur lesquels on lisait : « Louise Wimmer 06
43 02 59 18 ». Organisée par l’agence supergazole, il s’agissait d’une
campagne de pré lancement (teasing) pour le film Louise Wimmer.
Mercredi dernier, je découvre sur
Internet la bande-annonce du film qui se termine sur le même post-it.
Intrigué
et poussé par une curiosité professionnelle j’appelle le numéro et tombe sur
une personne qui me dit être « la vraie » Louise Wimmer, celle dont
l’histoire a inspiré son film à Cyril
Mennegun le réalisateur et scénariste. C’est du moins ainsi que se
présente la femme que j’ai au téléphone. Gentille, réservée, je la sens un peu
fragile, comme quelqu’un qui ne veut pas se faire remarquer pour éviter les
ennuis (dont la voix un peu éraillée laisse à penser qu’elle a eu sa dose).
Je lui fais part de ma surprise,
lui dis que je suis gêné, que je m’attendais à tomber sur un répondeur ou une
agence de RP. Elle m’explique qu’il n’y a pas de problème bien au contraire
puisqu’elle est chargée par le distributeur du film Haut et Court de parler de
sa vie et du film aux gens qui l’appellent afin de les inciter à aller le voir
en salle. Toujours sous le coup de la surprise, je lui demande si le fait de
devoir expliquer sa situation et son parcours à chaque appel n’est pas trop
difficile à gérer émotionnellement. La « vraie » Louise me répond que
non, que globalement les gens sont gentils, qu’il y a bien eu quelques
dérapages (des gens qui essayaient de la rencontrer pensant être sur un site de
rencontre) mais rien de grave. Elle m’explique aussi qu’elle n’a pas pu prendre
tous les appels parce qu’elle travaille.
N’ayant pas grand chose de plus à
lui demander pour avoir déjà beaucoup entendu parler du film, je lui pose une
dernière question sur sa situation actuelle. Elle me répond que les choses
s’améliorent, qu’elle a toujours des dettes mais qu’elle a maintenant un
appartement et deux petits boulots. Je lui dis encore ma gêne, elle me répond
qu’elle est très contente de parler du film et espère que j’irai le voir. Nous
raccrochons en nous souhaitant le meilleur.
La gêne que j’ai ressentie se
transforme en malaise et je reste choqué qu’on puisse mettre en première ligne
une personne fragile pour faire la promotion d’un film, aussi vertueux soit il.
Une question que je n’ai pas osé poser à Louise me taraude encore ; est-ce
qu’elle est payée et combien? N’osant pas la rappeler je profite du chat avec Cyril Mennegun que propose Libération l’après midi même sur son site pour poser la question par
mail au réalisateur - scénariste. Il répond : « mais bien sûr qu’elle
a été payée ». À la question combien, il répond : « le même prix
qu’une comédienne. »
Le lendemain je trouve le site de
l’agence supergazol qui a organisé cette campagne de lancement, site sur
lequel, surprise, je lis : « Et contrairement aux idées reçues, une
véritable comédienne vous attend au bout du fil ! ». Alors, « vraie » Louise
Wimmer ou comédienne ?
N’ayant pas pu suivre le chat en
direct, je décide de retourner sur le site de Libération pour lire ce que dit
le réalisateur de ses sources d’inspiration. Première surprise, je découvre
que ma question a disparu du résumé du chat publié sur le site de Libération.
Autre surprise, sur le sujet qui me préoccupe et à la question de Valérie : « Des «Louise»,
combattantes, habitées par la colère et la hargne, en avez-vous
rencontré? » C. M. « Oui, j'en ai rencontré, en premier lieu
ma mère, ma tante, et tant d'autres femmes de ma famille. » Rien sur la « vraie » Louise.
Au moment de poster ce message, je décide d'appeler à nouveau la "vraie" Louise et je tombe sur un répondeur dont le message dit en substance : "Bonjour vous êtes sur le répondeur de Louise Wimmer blah blah blah...vous pouvez me retrouver sur Facebook." Je penche donc de plus en plus pour l'hypothèse de la comédienne.
Quoiqu'il en soit, "vraie" Louise ou comédienne, on peut s’interroger sur cette façon de créer le «buzz».
S’il s’agit de la
« vraie » Louise, mettre en première ligne une personne fragile et
dont ce n’est pas le métier pour participer à la promotion d’un film et gérer
la charge émotionnelle véhiculée par chaque coup de fil (plus de 500 en deux
jours dit l’agence) contre une somme d’argent, est un procédé qui relève
franchement de l’exploitation de la misère humaine.
Le deuxième cas de figure est pire
encore. Faire jouer à une comédienne une fausse Louise Wimmer sans jamais le
révéler à celui qui téléphone est une entreprise de manipulation qui provoque de la gène et génère de l'apitoiement et de la pitié. C'est un procédé tout simplement dégueulasse.