jeudi 9 juin 2011

Reconversion



Il y a quelques temps j’avais décrit ici le déclin à venir de la Fnac et de Virgin. L’annonce faite il y a quelques jours de l’accord signé entre les deux enseignes autour des magasins Virgin situés dans les gares et les aéroports (Virgin/Lagardère garde l’exploitation, la Fnac pose sa marque et s’occupe de la constitution de l’offre), pourrait laisser croire qu’il n’en est rien, que ces deux enseignes trouvent malgré les crises qu’elles traversent de nouvelles pistes de développement. À mes yeux il n’en est rien.

D’un côté, on sait depuis le début des années 2000 l’enseigne Virgin extrêmement fragile (magasins trop grands, trop chers, activité en baisse) en France comme dans le reste du monde (fermetures en Angleterre et aux Etats-Unis, sous location de surfaces dans certains magasins français). De l’autre, le groupe PPR propriétaire de la Fnac ne fait pas mystère de sa volonté de revendre l’agitateur culturel. La crise des supports conjugué au développement d’Amazon, d’iTunes, des Espaces Culturels Leclerc et le maintient d’un réseau de libraires dynamiques grâce à la loi sur le prix Lang de 1981 sur le prix unique du livre, n’ont fait que renforcer sa volonté d’aller vite dans ce domaine.

Si pour Virgin la messe est dite, la stratégie de la Fnac est intéressante en cela qu’elle donne l’image d’une enseigne en plein développement. C’est vrai si on se contente de compter les ouvertures. Mais si on y regarde d’un peu plus prêt, on s’aperçoit qu’elle le fait en changeant radicalement de positionnement.

La Fnac qui a construit sa réputation sur une offre multi produits large et profonde, faisait de la taille de ses magasins (des surfaces de vente suffisante pour présenter une offre qui imposait son image de spécialiste et creusait d’entrée l’écart avec la concurrence déjà en place) et de la qualité des emplacements (centres ville commerçants) les critères premiers de son implantation dans une ville. La politique d’amélioration des résultats financiers mise en place il y a une dizaine d’années à changé petit à petit la nature de l’offre en privilégiant les produits techniques à forte marge au détriment des produits éditoriaux (livre, disque…) consommateurs de place, de stocks et nécessitant des vendeurs spécialisés donc chers.

Cette nouvelle politique a banalisé son offre (recentrage sur les meilleures ventes, le 20/80) mais a permis à la Fnac d’ouvrir des petites surfaces dans des centre commerciaux ou en périphérie des villes, et de limiter ainsi le développement des Espaces Culturels Leclerc tout en étendant la notoriété de sa marque (jusqu’à la banalisation ?).

Reste encore et toujours la question de la valeur de l’ensemble, du prix revente et donc de la nature de l’acheteur potentiel. Dans le film The Social Network, Eduardo Saverin (âme damnée de Mark Zukerberg) demande à Sean Parker (Napster) s’il pense réellement avoir gagné contre les majors. Celui-ci lui répond : « Est-ce que tu investirais dans Tower Records ? » C’est la même chose avec la Fnac. Racheter pour quoi faire ? Un fond cherchera à améliorer la rentabilité de l’enseigne. Vu la santé des marchés des produits vendus dans les Fnac, cette amélioration passera par une réduction des coûts donc par la fermeture des magasins pas assez rentable. Un distributeur pourra lui être intéressé par l’emplacement et le bail de certains magasins. Toujours est-il qu’il en est bien fini du règne sans partage des grandes enseignes de distribution de produits culturels.

Si la place qu’occupe le commerce en ligne ne fait plus débat, la question qui se pose est donc celle du rôle que peuvent jouer les petites structures plus ou moins spécialisées et au-delà encore, celle de l’économie de l’aide au choix.


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